lundi 30 octobre 2023

Eurostar and back

 1-

Aux portes de la mer

Juste à l'entrée

Coincé entre le sable et l'eau

J'ai abandonné mon coeur

Revêtu ma combinaison de nage

Prête à tout, 

Même à faire la brasse

Prête à troquer 

Le soleil et les coquillages

Contre pluies et marées

Prête à ne plus avoir de maison

Ni de repères

Prête à effacer l'ardoise.

 


2-

Après avoir gravi des montagnes, chanté les chansons des rivières

Et bu à la cime des arbres

Après les flots de la Manche et les fougères

Je ne peux plus rentrer. 

Car je ne suis

Pas sûre d'être tout à fait la même 

Ou plutôt bien certaine

De ne pas l'être

Et de ne plus pouvoir pas conséquent revêtir les habits de celle qui prit ce train à l'envers. 

Il faudra sans doute prétendre, ce sera sans doute difficile, un peu ou beaucoup peut-être

Mais ce qui m'inquiète, c'est ce qu'il conviendra de faire

Des rêves

Que l'ancienne moi a rêvé et qui disparaîtront sans doute, si je ne les fais pas miens, 

Abandonnés sur le gris d'un trottoir. 

samedi 6 février 2021

Le retour

 

Partir, revenir, rentrer

Marcher le long des sentiers familiers

Sentir le pavé sous le pas, l'odeur du jasmin au nez

Et se dire " on y est"

Enfin reconnaître les visages et les noms

Enfin reposer sa fatigue sur les nattes à l'ombre du figuier

Laisser l' ombre des feuilles nous caresser le dos

Laisser se dérouler les paroles hors de notre bouche

et s'enrouler à nouveau tout autour de son tronc

Donner à l' arbre ses histoires de contrées lointaines , de destinations perdues, de fortuites rencontres

Observer peu à peu les mots se loger au creux de chaque feuille, se blottir entre les bourgeons, s'endormir confiant dans les branches de l'arbre et ne faire plus qu' un avec lui.

 

Il faut rentrer oui, c' est certain

Frapper de nos pieds le sol qui nous a vu naître et qui nous a porté sur le début du chemin

Battre la cadence des kilomètres parcourus

Danser avec fièvre sur les roches ou le goudron

Mais danser aves ses soeurs et frères

Fêter la terre du pays, fêter ses fruits et appeler la pluie pour qu' elle en porte d'autres

Célébrer les récoltes et les moissons

Danser jusqu'à plus soif

Danser jusqu' à avoir faim

Et puis s' assoeir près de l' arbre

Chêne, bouleau, olivier ou troêne

 Lui offrir nos récits de voyage, ne confier qu' à son oreille d'écorce les secrets du départ,

Laisser aller les mots;

Et s' émerveiller enfin, s'émerveiller encore, 

Lorsau' au petit matin, dans la pâleur de l' aube et de ses promesses

Une enfant viendra les cueillir.

lundi 18 janvier 2021

Résolutions


 Je ne compterai plus les heures en douzaines,

ni les oeufs dans le panier

Je ne penserai plus en années perdues ou volées

J'avancerai sans masque

ou plutôt sans malice

mais ne dirai rien

des projets qui me poussent.

Je chanterai encore

ces chants mystérieux

dont les rimes me portent

plus loin que les avions

Je tracerai des lettres

sur des papiers perdus

et tâcherai peut-être

d'en faire quelque chose

Je lirai tous ces livres

dont les titres m'ont plu

les oublierai encore

avant de les relire

Et je m'endormirai

Aux paupières un sourire,

Un poème à la main.


mercredi 25 novembre 2020

De nombreux pas

 J'ai abandonné

 de nombreux projets

 nombreuses pages

 nombreux rêves.

J'ai réalisé 

de nombreux pas pourtant

 nombreuses marches

 nombreux souffles.


Sur les murs de l'ancienne cité, j'ai gravé des formules, murmuré des prières, ourdi des vœux magiques.

J'en ai franchi les portes, comme dans les récits de guerre, baissé ma garde au son des trompettes, salué le soleil d'un hochement de tête.

Je suis partie.

J'ai repris la marche dans la chaleur du monde, traquant les oasis quand elles partaient se perdre, délaissant les chemins de ronde.

Je suis allée tout droit, n'ai pas tourné à droite après la première étoile, ai laissé aux enfants leurs paradis perdus.

J'ai avancé sans monture, sans pages ni escorte. A la main aucune carte, mes pupilles pour seule boussole.


Alors, je me suis perdue, perdue sans le savoir, ne connaissant ni la route ni la destination.

J'en suis arrivée là, dans ce coin de monde qui m'est familier, arrêtée pour un temps à l'ombre des étoiles, accueillie par l'hospitalité des cailloux.

Je prends du repos ou je m'installe peut-être, l'avenir le dira, lui qui dit si bien les histoires à suspense, lui qui ne prévient pas.

J'ai laissé derrière moi

 de nombreux projets,

 nombreuses pages,

 nombreux rêves.

Je me suis délestée de leurs poids.

J'ai effectué, ainsi, 

 de nombreux pas.







dimanche 25 octobre 2020

A tâtons

 Je voulais écrire

sur la douceur d'hier

le bon du soleil sur les peaux

et du chaud dans les coeurs

sur les mains serrées des amoureux

et les tâtonnements joyeux des miennes

Sur l'envie conquérante et heureuse

qui faisait palpiter les corps 

l'un contre l'autre

sur les bancs de sable d'une plage en automne.


Je voulais parler

du parfum singulier

d'une glace en octobre

du goût volé à juin, aout, juillet

prenant à bras le corps

l'été indien

Parler de ces conversations banales,

attrapées au croisement des passants

et des mots tout simple qui sortent des bouches

sans grand intérêt, et si importants.


Je voulais chanter 

le retour du printemps

tout au coeur de l'automne

et laisser le temps

faire son job

et regarder la mer, la mer

la mer encore

qui s'étale et paresse 

tandis que moi, je cherche.




jeudi 15 octobre 2020

Le couteau

 Un jour, tu m'as offert

un couteau.

Les gens se sont exclamés :

"Malheur à celui qui reçoit le couteau!"

Le même jour, je t'ai offert

un couteau.

Les gens se sont écriés :

"Malédiction pour celui qui reçoit le couteau!"

Et nous, nous avons sourit

et nous, nous avons rangé chacun le couteau dans notre poche

et nous l'avons utilisé, usé, aiguisé, refermé dans son tiroir

et nous avons continué nos vies

Nous nous sommes couchés dans le même lit, enlacés dans la cuisine au petit matin, 

nous avons parcourus ces rues ensemble, les rues de notre quartier vers des moments gais et tranquilles.

Nous n'avons pas pensé au couteau.

Le printemps venu nous avons troqué nos lourds manteaux contre des draps légers et nous avons couru vers les eaux claires de ce lac qui depuis longtemps nous appelait.

Nous nous sommes réveillés l'un à côté de l'autre comme tant de matins et nous avons rit du soleil sur l'oreiller, rit du pain dans le four et des promesses sur nos mains.

Nous avons bu l'eau des rivières avec nos yeux et nos oreilles dans les montagnes vertes, nous avons pétri la farine et les oeufs des repas de fête, toujours le sourire aux lèvres et nous avons chanté plus fort lorsque la nuit tombait.


Un matin nous nous sommes réveillés pourtant dans des lits différents. Un matin tout était terminé.

Nous n'avons pas pensé au couteau.

Walden Pound, Massachussets, from the Lonely Planet



mardi 6 octobre 2020

le Batteleur et le Mat

 Commence et choisis.

N'hésite pas.

Saisis-toi d'une chose et ne la lâche pas, oublie les autres et avance tout droit.

Tu dois te lancer. 

Tu as devant toi tout ce qu'il te faut et tout ce dont tu n'as pas besoin, alors vas-y, commence et choisis.


J'ai préparé mon grand mouchoir tu sais, je l'ai lavé, repassé et plié soigneusement en quatre, rangé dans 'l'armoire. Il attend sagement que je vienne le prendre et que je m'en serve, le moment venu. Celui où je dirai aurevoir.


Avance et décide,

Décide du chemin, du nombre de pas , de la destination si tu le souhaites.

Laisse les rencontres aux hasards et à ses doigts malins, ne te trouble pas, reste concentré, ne doute pas de ce que ta main a saisi et ne pense plus à ce qui a été laissé sur la table.

Il est temps de partir, en voyage et pour toujours, il est temps de ne plus se retourner, d'accepter ce qu'il y a devant et de ne plus penser à ce qui est derrière,  il est temps d'ouvrir l'armoire.